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avait vu l’allégorie régner eu maîtresse ; sa théologie et sa philosophie traitaient leurs catégories comnae des êtres réels [1], au point que c’était, en appareuce, une tâche facile pour la poésie et pour l’art de leur donner ee qui leur manquait encore pour constituer de véritables personnalités. Sous ce rapport, tous les pays de l’Occident sont sur la même ligne ; leur monde idéal peut produire des figures concrètes, seulement leurs attributs seront, en général, énigmatiques et impopulaires. C’est ce qui arrive fréquemment, même en Italie, avant, pendant et après la Renaissance. Il suffit pour cela qu’une qualité passagère de la figure allégorique soit changée à tort en attribut définitif. Dante lui-même n’est pas exempt de ces fausses interprétations [2] ; on sait, du reste, qu’il s’est fait un véritable honneur de l’obscurité de ses allégories [3]. Pétrarque, dans ses triomphes, veut du moins décrire nettement, quoique brièvement, les figures de l’Amour, de la Chasteté, de la Mort, de la Renommée, etc. D’autres, par contre, surchargent à plaisir leurs allégories d’attributs manqués. Dans les satires de Viociguerra [4], par exemple, l’Envie est repré-

  1. II n’est pns même nécessaire, à ce propos, de penser au léalisme. des .NCoicisiiques. Déjà vers 970, l’évêque Wibold de Cambrai prescrivait à scs clercs de remplacer le jeu de dés par quelque chose comme un jeu d’échecs religieux, qui ne comprenait pas moins de cinquauie-six noms de personnages abstraits et de positions diverses. Comp. Gesta episcoporum Camerac, in Mon. Germ. SS„ VII, p. 433.
  2. Par ex., quand il ajoute des images à ses métaphores, quand il veut que le degré brisé du milieu de la porte du purgatoire signifie la contrition du cœur {Purgat,, IX, 97), bien qu’en se brisant la dalle de pierre perde sa valeur comme degré ; ou bien quand Purgat., XVIII, 94) ceux qui étaient paresseux sur la terre expient leur paresse eu courant éternellement dans l’autre monde, bien que l’action de courir puisse être aussi un signe de fuite, etc.
  3. Inferno, IX, 61. Purgent., VIII, 19.
  4. Poesie satiriche, ed. Milan, 1808, p. 70 S5. — De la fin du quatorzième siècle.