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Ce qui reste aujourd’hui de ces brillantes manifestations est bien peu de chose. Les solennités religieuses et mondaines se sont dépouillées presque entièrement de l’élément dramatique, c’est-à-dire du costume, parce qu’on a peur de la moquerie et que les classes cultivées, qui autrefois s’intéressaient si vivement à ces choses, ne peuvent plus, pour différentes raisons, y trouver aucun plaisir. Même le carnaval a perdu l’usage des grandes mascarades d’autrefois. Ce qui survit encore, comme par exemple les personnages religieux qui figurent aux processions de certaines confréries, même la pompeuse fête de sainte Rosalie à Palerme fait bien voir jusqu’à quel point la partie élégante de la société est devenue indifférente à ces solennités.

L’âge d’or des fêtes ne commence qu’avec le triomphe de l’esprit moderne, c’est-à-dire au quinzième siècle[1], à moins que Florence n’ait devancé le reste de l’Italie, en cela comme en bien d’autres choses. Du moins on sait que les Florentins s’étaient de bonne heure organisés par quartiers pour les fêtes publiques, qui supposent chez eux le déploiement d’un luxe et d’un art considérables. Telle est cette représentation de l’enfer sur un échafaudage et sur des barques disposées sur l’Arno (1er mai 1304), où l’on vit le pont alla Carraja s’écrouler sous le poids des spectateurs[2]. Plus tard on vit des Florentins parcourir le reste de l’Iialie comme organisateurs

  1. Les fêtes célébrées à l’occasion de l’élévation de Visconti au trône ducal de Milan (1395) (Corio, fol. 274) ont, à côté de la plus grande magnificence, quelque chose qui rappelle la grossièreté dramatique y fait encore entièrement défaut. Comp. aussi la mesquinerie relative des cortèges et des fêtes de Pavie pendant le quatorzième siècle (Anonymus de laudibus Papiæ, dans Murat., XI, col. 34 ss.).
  2. Giov. Villani, VIII, 70.