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une sainte[1]. Quoi qu’il en soit, ce qu’on raconte de particulier sur les divertissements auxquels ces sociétés se livraient à la ville, à la campagne, dans des stations balnéaires, n’est pas tellement extraordinaire qu’on puisse en conclure la supériorité de la société italienne sur celle des autres pays de l’Europe. Mais qu’on écoute Bandello[2] et qu’on se demande ensuite si quelque chose de pareil était possible en France, par exemple, avant que ce genre de société eût été transporté dans ce pays par des hommes comme lui. Sans doute, ces cercles élégants n’eurent aucune influence sur la production des grandes œuvres de cette époque ; cependant on aurait tort de faire trop bon marché de la part d‘initiative qui leur revient dans le mouvement de l’art et de la poésie ; elles ont au moins le mérite d’avoir aidé à créer ce qui n’existait alors dans aucun pays : l’unité du goût et l’amour éclairé du beau. Ce genre de société est donc un produit nécessaire de cette culture et de cette existence qui étaient alors particulières à l’itaiie et qui depuis sont devenues européennes.

À Florence, la vie sociale subit l’influence de la littérature et de la politique. Laurent le Magnifique est avant tout une personnalité qui domine complétement son entourage, non pas, comme on serait tenté de le croire, par sa situation qui le met au niveau des princes, mais par i’éclat de ses qualités naturelles. Il est le maître absolu de ce cercle, précisément parce qu’il laisse toute liberté à ces hommes si différents les uns des autres[3].

  1. On trouve des détails biographiques et queIques-unes de leurs lettres dans A de Reumont, Lettres d’Italiens craignant Dieu. Fribourg en Brisgau, 1877, p. 225 ss.
  2. Les passages les plus importaots sont : parte I, nov. 1, 3, 21, 30, 44 ; II, 10, 34, 55 ; III, 17, etc.
  3. Comp. Lor. Magnif. de’ Medici, Poesie, l, 204 (le Banquet), 291