Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui repose sur une pratique aussi réelle que fréquente. Firenzuola, qui écrit près de deux siècles plus tard (1523), et qui commence de la même manière son recueil de Nouvelles, en invoquant formellement l’exemple de Boccace, Firenzuola se rapproche certainement bien plus encore de la réalité en mettant dans la bouche de sa reine d’occasion un véritable discours du trône sur la distribution du temps pendant le séjour que la société qu’elle gouverne fera à la campagne. La journée commence par une heure d’enirelien philosophique ; on disserte tout en se dirigeant vers une hauteur ; ou se réunit à table[1], et le repas est égayé par les accords des luths et par des chants ; puis on récite à l’ombre et au frais une canzone nouvelle dont le sujet est chaque fois indiqué la veille ; le soir, on se rend au bord d’une source ; là, tout le monde prend place et chacun à son tour raconte une nouvelle ; enfin vient le souper, qui est accompagné et suivi de conversations plaisantes « qui peuvent encore s’appeler convenables pour nous autres femmes et qui ne doivent pas sembler inspirées par les fumées du vin à vous autres hommes ». Dans les introductions ou dédicaces qui précèdent les différentes nouvelles, Bandello n’introduit pas de ces discours d’inauguration solennels, attendu que les diverses sociétés devant lesquelles se racontent ses histoires forment des cercles déjà constitués ; mais il laisse deviner d’une autre manière combien il devait y avoir d’esprit, d’imagination et de grâce chez les membres de ces réunions. Bien des lecteurs se diront qu’il n’y avait rien à perdre ni à gagner dans une société qui pouvait écouter des récits aussi immoraux. Il serait plus juste de demander sur quelles

  1. Il s’agit du déjeuner qui avait lieu à dix ou onze heures. Comp. Bandello, parte II, nov. 10.