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tains sujets, tant sérieux que plaisants [1]. Il se forma ainsi un style pouvant se plier à tous les mouvements de la pensée. Chez d’autres peuples, celte sorte de scission voulue ne se produisit que beaucoup plus tard.

L’opinion des gens instruits et cultivés sur la valeur de la langue, considérée comme organe de la sociabilité daus ce qu’elle a d’élevé, se trouve formulée d’une manière très-complète dans le Cortigiano [2]. Il y avait, dès le commencement du seizième siècle, des gens qui affectaient de conserver des termes vieillis qui avaient été employés par Dante et les autres écrivains toscans, uniquement parce qu’ils étaient anciens. L’auteur les proscrit d’une manière absolue pour la langue parlée, et il ne veut pas non plus les admettre pour la langue écrite, attendu que celle-ci n’est qu’une forme de la première. Puis, conséquent avec lui-même, il accorde que le plus beau langage est celui qui se rapproche le plus des beaux écrits. Il fait entendre très-nettement que les gens qui ont de grandes choses à dire créent eux-mêmes leur langue, et que la langue est mobile et changeante, parce qu’elle est quelque chose de vivant. Qu’on emploie les plus belles

  1. On savait aussi fort bien quand il convenait d’employer le dialecte dans la vie journalière et quand il fallait l’éviter, Giovanni Pontano ose recommander formellement au prince héritier de Naples de ne pas l’employer. (Jov. Pontan., De principe), on sait que les derniers Bourbons étaient moins scrupuleux sous ce rapport. — Voir dans Bandello, parte II, nov. 31, la manière dont il se moque d’un cardinal milanais qui voulait conserver son dialecte à Rome.
  2. Bald. Castiglione, Il cortigîano, 1.1,î ol. 27 ss. Malgré la forme du dialogue, l’opinion personnelle de l’auteur perce partout. Ce qui est très-remarquable dans cette étude, c’est le contraste entre le jugement de cet écrivain et celui de Boccace et de Pétrarque. (Dante n’est pas nommé une seule fois dans tout l’ouvrage.) Politien, Laurent de Médicis et d’autres, dit-il, étaient des Toscans, et ils étaient au moins aussi dignes d’étre imités que ces deux auteurs e forse di non minor dottrina e giudizio.