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CHAPITRE III
LA LANGUE CONSIDÉRÉE COMME BASE DE LA SOCIABILITÉ

La sociabilité dans le sens élevé du mot, cette sociabilité qui apparaît ici comme une œuvre d’art, comme l’expression la plus haute de la vie du peuple, a pour base la langue.

Aux beaux jours du moyen âge, la noblesse des nations occidentales avait cherché à mettre en vogue une langue « de cour » destinée à l’usage journalier et à la poésie. De même l’Italie, avec ses dialectes si variés, avait au treizième siècle son « curiale », qui était commun aux cours et aux poëtes. Le fait capital, c’est qu’on s’applique à en faire la langue des gens cultivés et la langue écrite. L’introduction des « Cent vieilles Nouvelles », qui ont été rédigées avant 1300, contient l’aveu de ces efforts. On considère ici la langue d’une manière absolue, en faisant abstraction de la poésie ; l’idéal, c’est l’expression simple, claire, élégante, appliquée à des discours, à des maximes, à des réponses remarquables par la brièveté. Cette expression idéale est l’objet d’un culte qu’on ne retrouve que chez les Grecs et chez les Arabes : « Que de gens, dans le cours d’une longue vie » ont eu peine à trouver un seul bel parlare ! »

Mais il était d’autant plus diffìcile de créer cette langue idéale qu’il n’y avait pas d’unité, pas d’ensemble