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raffinée chez les Italiens que chez aucun autre peuple de la terre. D’abord une foule de choses, petites et grandes, dont l’ensemble constitue le bien-être, le confort moderne, existaient en Italie, tandis qu’elles étaient inconnues dans les autres pays, comme il est facile de le prouver. Dans les rues bien pavées des villes italiennes [1], l’usage des voitures devint plus commua, tandis que partout ailleurs on allait à pied ou à cheval, ou du moins qu’on n’allait pas en voiture pour son plaisir. On apprend à connaître surtout par les nouvellistes les lits élastiques et moelleux, les tapis de prix, des objets de toilette dont on ne soupçonne pas encore l’existence hors de la Péninsule [2]. Ce qu’ils rappellent avec une complaisance toute particulière, c’est l’abondance et la beauté du linge. Bien des objets qu’ils décrivent rentrent en même temps dans le domaine de l’art ; on est frappé de voir l’art intervenir pour ennoblir le luxe ; il ne se contente pas d’orner de vases magnifiques le grand buffet massif et la gracieuse étagère, de couvrir les murs de tentures merveilleuses, de donner au sucre les formes les plus variées pour embellir le dessert, il s’applique surtout à faire de la menuiserie la rivale de la sculpture. Vers la fin du moyen âge, tout l'Occident essaye de faire de même, dès que ses moyens le lui permettent ; mais ou bien il se livre à des jeux puérils et de mauvais goût, ou bien il ne sait pas sortir de l’uniformité du style décoratif gothique, tandis que la Renaissance est libre dans ses allures, intelligente dans son travail, et qu’elle s'adresse

  1. Sur Milan on trouve un passage remarquable dans bandello, parte ! nov. 9. H y avait plus de soixante voitures à quatre che¬ vaux et d’innombrables voitures a deux chevaux, la plupart dorées, richement sculptées et toutes garnies de soie; comp. tbid., nov. 4. — Ariosto, sat. III, v. 127.
  2. Bandello, parte 1, nov. 3; III, 42; IV, 25.