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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

chez les étrangers, ces talents n’étaient pas honorés comme ailleurs. Filelfo, qui avait été appelé à Venise, non par l’État, mais par des particuliers, repartit bientôt désillusionné, et Georges de Trébizonde, qui, eu 1459, déposa aux pieds du doge la traduction des Lois de Platon, fut nommé professeur de philologie avec un traitement annuel de 150 ducats ; il dédia sa rhétorique à la Seigneurie[1] ; mais il ne tarda pas à être trompé dans ses espérances et dut quitter celte ville inhospitalière aux lettres. C’est que la littérature elle-méme a généralement un caractère pratique. Aussi quand ou parcourt l’histoire de la littérature vénitienne, que François Sansovino a mise à la suite de son livre bien connu[2], ne trouve-t-on guère pour le quatorzième siècle que des ouvrages de théologie, de droit et de médecine à côté de quelques histoires ; même au quinzième siècle l’humanisme est faiblement représenté dans une ville de l’importance de Venise, jusqu’au moment où apparaissent Ermolao Barbaro et Aide Manucc. Par suite, il n’y a que peu d’amateurs qui s’occupent à collectionner des manuscrits et à former des bibliothèques. Lorsque Venise reçut de précieux manuscrits provenant de la succession de Pétrarque, elle les garda si mal qu’ils eurent bientôt disparu ; la bibliothèque que le cardinal Bessarion légua à l’État (1468) faillit être dispersée et détruite. Pour les questions scientifiques, n’avait-on pas la ville de Padoue, où les professeurs de médecine et de droit louchaient des émoluments princiers pour les

  1. Sanudo, loc. cil., col. 1167.
  2. Sansovino, Venezia, lib. XIII. Ce livre contient les bîogranhies des doges par ordre chronologique; ce» différentes biographies sont suivies de courtes notices sur les écrivains contemporains, mais ces notices ne sont régulières qu’à partir de 1312; elles portent le titre de Scrittori veneti.