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CHAPITRE VII. — LES RÉPUBLIQUES : VENISE, FLORENCE.

les mots du texte.) Il y avait 3,000 barques, 300 navires et 45 galères ; les barques étaient montées par 17,000 marins. (Il y avait plus de 200 hommes par galère.) À ce chiffre venaient s’ajouter 16,000 ouvriers travaillant à la construction des navires. Les maisons de Venise avaient une valeur estimative de 7 millions, et rapportaient un demimillion de loyer[1]. Il y avait 1,000 nobles possédant de 70 à 4,000 ducats de revenu. Les revenus publics ordinaires sont évalués, pour l’année 1423, à 1,100,000 ducats ; par suite des crises commerciales qui résultèrent des guerres, ce chiffre était tombé au milieu du quinzième siècle à 800,000 ducats[2].

Si, par des calculs de ce genre et par leur application à la vie matérielle, Venise est la première à montrer un des grands côtés du système politique moderne, par contre, elle est dans une certaine infériorité sous le rapport de ce genre de culture que l’Italie mettait alors au-dessus de tout. Ce qui lui manque, c’est le goût des belles-lettres et surtout la passion de l’antiquité classique[3]. Les dispositions pour les études philosophiques et pour l’éloquence, dit Sabellico, étaient aussi grandes à Venise que les aptitudes commerciales et politiques ; mais les indigènes ne les cultivaient pas, et,

  1. Il s’agit de toutes les maisons, et non pas seulement des bâtiments qui appartiennent à l’État. Il est certain que ces derniers rapportaient souvent des sommes énormes ; compar. Vasari, Xiri, 83, Viia diJac, Sansovino,
  2. Ce renseignement se trouve dans Sañudo, col. 963 ; â ce propos, l’auteur dresse aussi ie tableau des revenus des autres puissances italiennes et européennes. Voir un compte public de 1490, coi. 1245 ss.
  3. Il paraît que cette antipathie pour l’antiquité allait chez ie Vénitien Paul II jusqu’à la haine ; il appelait les humanistes sans exception des hérétiques, Platina, Vita Pauli, p. 323. — Compar, en général t Voigt, la Renaissance de Vantiquité classique (Berlin, 1859), p. 207-213. Le mépris de l’antiquité est considéré par Lil. Greg. Giraldus (Opera, t. II, p. 439) comme une des causes de la prospérité de Venise.