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CHAPITRE PREMIER. — INTRODUCTION.

teur d’une espèce toute particulière : c’est son vicaire et son beau-fils, Ezzelino da Romano. Il ne représente pas un système de gouvernement et d’administration, attendu que toute son activité se dépense en luttes qui ont pour objet de lui assurer la domination dans la partie orientale de l’Italie supérieure ; mais, comme exemple politique, il a son importance aussi bien que son protecteur impérial. Jusqu’alors toutes les conquêtes et toutes les usurpations du moyen âge avaient eu pour prétexte un droit d’hérédité réel ou prétendu, ou bien d’autres droits, ou elles avaient été la suite de luttes entreprises contre les infidèles et les excommuniés. Ezzelino, au contraire, est le premier qui essaye de fonder un trône par des massacres généraux et par des cruautés sans fin, c’est-à-dire par l’emploi de tous les moyens, sans autre considération que celle du but à atteindre. Aucun des imitateurs d’Ezzelino n’a égalé ce dernier, sous le rapport de l’énormité des crimes commis ; César Borgia lui-même lui est resté inférieur à cet égard. Mais l’exemple était donné, et la chute d’Ezzelino ne fut ni le signal du rétablissement de la justice pour les peuples, ni un avertissement pour les criminels de l’avenir.

C’est en vain qu’à cette époque saint Thomas d’Aquin, né sujet de Frédéric, tout en proclamant la royauté la meilleure forme de gouvernement et la plus régulière, établit la théorie d’une monarchie constitutionnelle, où le prince s’appuie sur une Chambre haute nommée par lui et sur des représentants choisis par le peuple ; c’est en vain qu’il reconnaît aux sujets le droit de révolte[1]. Ces théories ne franchissaient pas l’enceinte des salles

  1. Baumann, Politique de saint Thomas d’Aquin, Leipzig, 1873, sur. p. 136 ss.