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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

résister longtemps aux coups les plus terribles, tels que la découverte de la route des Indes orientales, la chute des mameluks en Égypte et la guerre de la Ligue de Cambrai.

Sabellico, qui était né dans les environs dc Tivoli et qui était habitué au franc parler des philologues d’alors, remarque ailleurs[1] avec quelque étonnement que les grands seigneurs qui assistaient à ses cours du malin refusaient de s’engager dans des discussions politiques avec lui : « Quand je leur demande ce que les gens pensent, disent et attendent de tel ou tel mouvement qui se produit en Italie, ils me répondent tous d’une seule voix qu’il n’en savent rien. » Mais, par la partie déchue de la noblesse, on pouvait apprendre bien des choses, en dépit de l’inquisition d’État ; seulement les secrets se vendaient moins bon marché. Pendant le dernier quart du quinzième siècle il y eut des dénonciateurs parmi les plus hauts fonctionnaires[2] : les papes, les princes italiens, même des condottieri au service de la République, hommes de fort médiocre condition d’ailleurs, avaient leurs délateurs, pour la plupart attitrés ; la délation était devenue si commune que le Conseil des Dix croyait devoir cacher au Conseil des Pregadi les nouvelles politiques de quelque importance ; on supposait même que Ludovic le More disposait d’un nombre de voix respectable dans ce dernier Conseil. Il est difficile de dire si les exécutions nocturnes et la prime élevée donnée aux dénonciateurs des victimes (par exemple, soixante ducats de pension annuelle) ont beaucoup profité â la noblesse ;

  1. Eniaíote, lib. V, fol. 28.
  2. Malipiero, Ann. Veneti, Archiv. stor,, VII, T, p. 377, 431, 481, 493, 530- II p 661, 668, 679. — Ckron. Venelum, dans Murat., XXIV, col ! 5e ! — Diario Ferrarese, ib.,C0. 240. - Compar. aussi la notice : Ditpacci di Antonio Giustiniani (Flor., 1876), I, p. 392.