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CHAPITRE PREMIER. — INTRODUCTION.

Sicile, tel que l’avait transformé l’empereur Frédéric II. Ce prince, qui, dans le voisinage des Sarrasins avait grandi au milieu des trahisons[1] et des dangers de toute sorte, s’était habitué de bonne heure à juger et à traiter les choses d’une manière tout objective : il est le premier homme moderne sur le trône. Ajoutez à cela la connaissance exacte et approfondie de l’intérieur des États sarrasins et de leur administration, et cette guerre avec les papes dans laquelle les deux partis jouaient leur existence, et qui les forçait tous deux de faire appel à tous les moyens et à toutes les ressources imaginables. Les mesures prises par Frédéric (surtout depuis 1231) tendent à l’établissement d’une autorité royale toute-puissante, au complet anéantissement de l’État féodal, à la transformation du peuple en une multitude inerte, désarmée, capable seulement de payer le plus d’impôts possible. Il centralisa tout le pouvoir judiciaire et l’administration, d’une manière jusqu’alors inconnue dans l’Occident. Il est vrai qu’il ne supprima point les tribunaux féodaux, mais il établit l’appel aux tribunaux de l’Empire ; il défendit de nommer aux emplois par la voie élective ; les villes qui se permettraient de recourir aux élections populaires étaient menacées de la dévastation, et leurs habitants devaient perdre leur condition d’hommes libres. L’impôt sur la consommation fut établi ; les contributions, basées sur un cadastre et sur la routine musulmane, furent exigées avec cette rigueur, avec cette cruauté sans laquelle on ne peut obtenir de l’argent des Orientaux. Ici l’on ne voit plus un peuple,

  1. E. Winckelmann, De regni Siculi administratione qualis fuerit regnante Federico II. Berlin, 1859. A del Vecchio, La legislazimone di Federico II, imperatore. Winckelmann et Schirrmacher ont parlé avec beaucoup de détails de Frédéric II en général.