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CHAPITRE V. — LES GRANDES MAISONS RÉGNANTES.

même davantage s’il avait destitué cet ennemi de Dieu et des hommes ; mais Hercule en avait fait son compère et l’avait nommé cavalier. Zampante faisait bon an mal an 2 000 ducats d’économies ; il est vrai qu’il ne mangeait plus que des pigeons élevés chez lui et ne s’aventurait plus dans les rues sans une nombreuse escorte d’arbalétriers et de sbires. Il était temps de le faire disparaître ; aussi deux étudiants et un Juif baptisé, qu’il avait cruellement offensés, le tuèrent dans sa maison pendant qu’il faisait la sieste, et, sautant sur des chevaux tout prêts, ils traversèrent la ville au galop, en criant : « Sortez de vos maisons, bonnes gens, courez ; nous avons tué Zampante. » Les hommes envoyés à la poursuite des meurtriers ne purent les rejoindre ; déjà ils avaient franchi ia frontière voisine. À la suite de l’événement, il y eut naturellement un déluge de pamphlets sous forme de sonnets ou de chansons.

Ce qui, d’autre part, est tout à fait conforme à l’esprit de cette maison, c’est que le souverain impose à la cour et à la population la considération dont il honore des serviteurs utiles. Lors de la mort de Ludovic Caselia, conseiller intime de Borso en matière littéraire (1469), les tribunaux, les boutiques, les salles de l’Université furent fermés pendant vingt-quatre heures à l’occasion des funérailles ; chacun fut obligé d’accompagner le corps jusqu à San Domenico, parce que le prince devait suivre le convoi. On vit en effet « le premier prince de la maison d’Este qui eût assisté à l’enterrement d un sujet », vétu de noir, suivre en pleurant le cercueil ; derrière lui venaient les parents de Casella, conduits par des seigneurs de la cour ; des gentilshommes portèrent le corps du roturier de l’église dans