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CHAPITRE V. — LES GRANDES MAISONS RÉGNANTES.

le poisson ; il se réservait aussi le droit de vendre seul les fruits et les légumes, qu’il faisait cultiver avec soin sur les remparts et sur les glacis de Ferrare. La source la plus importante de ses revenus était la vente des charges publiques, dont les titulaires étaient renouvelés tous les ans ; c’était un usage répandu dans toute l’Italie ; seulement c’est sur Ferrare que nous avons les renseignements les plus exacts. À propos du commencement de l’année 1502, par exemple, on dit : La plupart des charges ont été achetées à des prix salés (salati). On cite des fonctionnaires de différents ordres, des receveurs des douanes, des administrateurs des domaines (massari), des notaires, des podestats, des juges et même des capitaines, c’est-à-dire des gouverneurs des villes de province. Au nombre de ces « mangeurs de gens » qui ont payé cher leur charge et que le peuple déteste « plus que le diable », on nomme Tito Strozza, qui n’est pas, nous voulons bien le croire, le célèbre poëte latin. À la même époque, les ducs avaient l’habitude de faire en personne un tour dans Ferrare ce qu’on appelait andar per ventura, pour se faire donner des présents, au moins par les gens aisés. Toutefois ce genre de contribution était payé, non en argent, mais en nature.

Le duc était fier [1] de se dire que dans toute l’Italie on savait qu’à Ferrare les soldats touchaient régulièrement leur solde, que les professeurs des universités étaient toujours payés à jour fixe, qu’il était rigoureusement interdit aux soldats de rançonner les bourgeois et le paysan, que Ferrare était imprenable et que le château renfermait une somme énorme d’argent monnayé. Il

  1. Paul Jovius, loc. cit.