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CHAPITRE V. — LES GRANDES MAISONS RÉGNANTES.

d’autant plus que le pays aura moins souffert par suite d’une inutile résistance.

Si Ludovic le More faisait les mêmes calculs, il oubliait, par contre, tous les autres motifs de haine qui rendaient son retour difficile. La cour de Guidobaldo a été immortalisée comme l’école de la suprême élégance par Balthazar Castiglione, qui a composé l’églogue de Tircis (1506) en l’honneur de cette société brillante, et qui plus tard (1518) a choisi les personnages de son Courtisan dans le cercle de la savante et spirituelle duchesse (Élisabeth de Gonzague).

Le gouvernement de la maison d’Este se distingue par un singulier mélange de despotisme et de popularité[1]. Dans l’intérieur du palais se passent des scènes épouvantables : une princesse, soupçonnée d’avoir commis le crime d’adultère avec un fils né d’un autre lit, est décapitée (1425)[2] des princes, légitimes aussi bien qu’illégitimes, s’enfuient de la cour et sont menacés, même à l’étranger, par les coups des assassins envoyés à leur poursuite (1471) ; qu’on ajoute à cela des complots continuels tramés au dehors : le bâtard d’un bâtard veut détrôner le seul héritier légitime (Hercule Ier) ; plus tard (1493), ce dernier empoisonna, dit-on, sa femme, après avoir découvert qu’elle voulait l’empoisonner lui-même ; il commit, à ce qu’on prétend, ce crime à l’instigation de Ferrante, frère de l’épouse criminelle. La dernière de ces tragédies, c’est le complot ourdi par deux bâtards contre leurs frères, le duc régnant Alphonse Ier et le cardinal Hippolyte (1506), complot qui fut découvert à temps et puni de la réclusion perpétuelle. D’autre part,

  1. Ce qui suit a été écrit surtout d’après les Annales Estenses, dans Muratori, XX, et le Diario Ferrarese, dans Murat., XXIV.
  2. Compar. Bandello, I, nov. 32.