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CHAPITRE V. — LES GRANDES MAISONS RÉGNANTES.

sales aux termes desquelles ceux-ci n’avaient pris aucune part à leur expulsion, et pouvaient, sans commettre le crime de rébellion, se donner à un nouveau vainqueur[1]. Au point de vue politique, il importe aussi de considérer que, lorsque des changements de cette nature se produisaient, la malheureuse ville devenait ordinairement la proie de quelques bandes de malfaiteurs (appartenant quelquefois aux premiers rangs de la société), et subissait ainsi le même sort que Naples, par exemple, lorsque les princes d’Aragon furent obligés de s’enfuir.

Dans la seconde moitié du quinzième siècle, nous trouvons deux principautés particulièrement remarquables par la sagesse et par le talent des souverains qui les gouvernent : ce sont celles des Gonzague de Mantoue et des Montefeltro. La famille des Gonzague était assez unie ; depuis longtemps elle n’avait pas été ensanglantée par le meurtre, et elle pouvait montrer ses morts. Malgré certaines traces de légèreté de mœurs, le marquis François de Gonzague[2] et sa femme Isabelle d’Este ont été, en somme, un couple respectable et uni ; ils ont élevé des fils remarquables en un temps où leur État, important malgré sa petitesse, courait souvent les plus grands dangers. Ni l’Empereur, ni les rois de France, ni Venise n’auraient eu l’idée de s’attendre à ce que

  1. Prato, dans Archiv. stor., III, 298 ; compar. 302.
  2. Né en 1466 ; fiancé avec Isabelle, alors âgée de six ans, en 1480, son avénement a lieu en 1484, son mariage en 1490, sa mort en 1519 ; Isabelle mourut en 1519. Ses fils sont : Frédéric (1519-1540) devenu duc de Milan en 1530, et le célèbre Ferrante de Gonzague. Ce qui suit est extrait de la correspondance d’Isabelle et des annexes, Archiv stor., Append., t. II, pp. 206-320, publiées par d’Arco. Compar. l’ouvrage du même auteur : Delle arti et degli artifici di Mantova, 1857-58, 2 vol. Le Catalogue de la collection a été imprimé plusieurs fois. Le portrait et ta biographie d’Isabelle se trouvent aussi chez Didot, Alde Manuce, Paris, 1875. Voir LXI-LXVIII. Compar. aussi plus bas, 2e  part., chap. ii.