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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

il s’était emparé par trahison, souvent même à sa table royale. Il déploya une méchanceté vraiment infernale à l’égard de son premier ministre, Antonello Petrucci, qui avait blanchi dans le service et qui était affaibli par la maladie : Ferrante continua d’accepter les présents de ce vieillard qui de jour en jour tremblait davantage pour sa vie, jusqu’à ce qu’enfin un semblant de participation à la dernière conjuration des barons fournit à son maître un prétexte pour le faire arrêter et exécuter, ainsi que Coppola. La manière dont tous ces faits ont été racontés par Caracciolo et par Porzio fait dresser les cheveux sur la tête.

Dans la suite, le fils aîné de Ferrante, Alphonse, duc de Calabre, fut associé par son père au gouvernement de l’État. D’après le portrait qu’en fait Comines, c’était « l’homme le plus cruel, le plus pervers, le plus vicieux et le plus commun qu’on eût jamais vu », un débauché sanguinaire, qui avait sur son père l’avantage d’être moins dissimulé et qui ne craignait pas non plus d’étaler au grand jour son mépris pour la religion et pour ses pratiques [1]. Ce n’est pas chez ces princes qu’il faut chercher le caractère élevé et vivant de la tyrannie d’alors ; ce qu’ils empruntent à Part et à la culture de leur temps, c’est le luxe ou l’apparence de la civilisation. Les vrais Espagnols eux-mêmes se montrent, en Italie, presque toujours dégénérés ; mais c’est surtout la fin de cette maison de Marrano (1494 et 1503) qui montre chez ses membres un manque total de race. Ferrante meurt torturé par l’inquiétude et par le remords ; Alphonse

  1. Il avait admis dans son intimité des Juifs, p. ex. Isaac Abravanel, qui s’enfuit avec lui à Messine. Compar, Zunz, Sur l’hist. et la litter. (Berl., 1845), p. 529.