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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

dôme lui-même en caserne. Les complots et les coups de main donnent lieu à de terribles représailles : en 1491, cent trente individus qui avaient pénétré dans la ville furent sabrés et ensuite pendus aux portes du palais Baglioni ; en revanche, on érigea trente-cinq autels sur la grande place, et pendant trois jours on dit des messes et l’on fit des processions pour purifier l’endroit où avait eu lieu le massacre. Un neveu d’Innocent VIII fut poignardé en plein jour dans la rue ; un neveu d’Alexandre VI, qui avait été envoyé pour réconcilier les deux partis, ne recueillit que des insultes. Par contre, les deux chefs de la maison régnante, Guido et Ridolfo, avaient de fréquentes entrevues avec une nonne dominicaine, qui passait pour sainte et qui faisait des miracles, la Sœur Colomba de Rieti : celle-ci les engageait, naturellement en vain, à faire la paix, en les menaçant des plus grands malheurs s’ils ne l’écoutaient pas. À ce propos, le chroniqueur fait remarquer les sentiments de piété que professaient, dans ces années terribles, les Pérugins honnêtes et éclairés. Pendant que Charles VIII approchait, les Baglioni et les proscrits campés dans la ville d’Assise et aux environs se firent une guerre telle, que dans la vallée toutes les maisons furent rasées, que les champs restèrent sans culture, que les paysans ruinés durent se faire brigands et assassins, et que des cerfs et des loups peuplèrent les broussailles dont la campagne s’était couverte et où ils se régalaient des cadavres des victimes, de « chair de chrétien ». Lorsque Alexandre VI s’enfuit dans l’Ombrie pour échapper à Charles VIII qui revenait de Naples (1495), l’idée lui vint à Pérouse qu’il pourrait se débarrasser pour toujours des Baglioni : il proposa à Guido une fête quelconque, un tournoi ou quelque chose de semblable,