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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

du malheur, il était heureux parce qu’il voulait l‘être, parce qu’il n’avait pas été gâté par la fortune, qu’il n’était ni fantasque, ni inconstant, ni difficile à satisfaire, et qu’il savait toujours se contenter de peu ou de rien. » — Si nous entendions Contarini lui-même, nous trouverions peut-être encore un motif religieux à côté de ces traits de philosophie pratique ; mais l’image de ce philosophe qui parle en sandales nous édifie suffisamment. Nous trouvons, dans un milieu différent, un caractère semblable ; c’est celui de Fabio Calvi de Ravenne[1], le commentateur d’Hippocrate. Il vécut jusqu’à un âge avancé, ne se nourrissant que d’herbes et de racines, « comme autrefois les pythagoriciens » ; il habitait une masure qui ne valait guère mieux que le tonneau de Diogène ; sur la pension que lui payait le pape Léon X, il ne prélevait que le strict nécessaire, et donnait le reste aux pauvres. Il ne garda pas la santé comme Fra Urbaoo ; aussi est-il probable qu’à sa dernière heure il ne sourit pas comme celui-ci, car, lors du sac de Rome, les Espagnols l’entraînèrent malgré ses quatre-vingt-dix ans, dans l‘intention de le rançonner, et il mourut dans un hôpital, à la suite des privations qu’on lui avait fait endurer. Mais son nom est sauvé de l’oubli, parce que Raphaël a aimé le vieillard comme nu père, l‘a respecté comme un matlre et l‘a toujours consulté en toutes choses. Peut-être les conseils de Fra Urbano avaient-ils surtout pour objet la restauration archéologique de l’ancieune Rome (p. 228), peut-être aussi des questions beaucoup plus élevées. Qui pourrait dire la part de Fabio dans l‘idée de École d‘Athènes et d’autres grandes compositions de Raphaël ?

  1. Cçeiii Galcagnini Opera, ed. Basil. 544, p. ÎOl, dans le VII*livre des Èpttres. N* 27, lettre à Jacques Ziegler. — Comp. Pierio Val,, De in/, lut., ed. Mencken, p. 369 ss.