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CHAPITRE XI. — L’HUMANISME AU SEIZIÈME SIÈCLE.

communes et viles[1] ». Et c’est ainsi qu’il se lançait dans une vie agitée, dévorante; tour à tour précepteur, secrétaire, professeur, valet des princes, se consumant dans des études ingrates, eu butte à des inimitiés mortelles, à des dangers incessants, élevé aux nues ou accablé de mépris, opulent aujourd’hui, demain misérable, il est l'image vivante de l’instabilité. On voyait souvent le mérite le plus vulgaire l’emporter sur le savoir le plus réel. Mais le grand mal était que cette condition ne comportait guère une demeure fixe, attendu qu’elle rendait les changements de résidence nécessaires ou quelle empêchait i'individu de se plaire longtemps quelque part. Se fatiguant lui-même de ceux au milieu desquels il vivait, se sentant mal à l‘aise parmi des ennemis acharnés à le perdre, il finissait par se décourager et par lasser un entourage amoureux de la nouveauté (p. 258). Malgré tout ce qui, dans cette situation, rappelle les sophistes du temps des empereurs, tels que les décrit Philostrate, ceux-ci étaient dans une condition meilleure, ils étaient généralement riches ou se résignaient plus aisément aux privations; en somme, leur vie était plus facile, parce qu’ils étaient moins des savants que des rhéteurs toujours prêts à parler. L’humaniste de la Renaissance, au contraire, est obligé de posséder une vaste érudition et de savoir se plier aux situations et aux occupations les plus diverses. Pour s’étourdir, il use du plaisir et en abuse ; on le croit capable de tout, et, en effet, il se met au-dessus de toutes les lois de la murale vulgaire. On ne saurait concevoir de pareils caractères sans un orgueil qui résiste à tout ; ils en ont besoin, ne fût-ce que pour rester supérieurs aux événements ; la

  1. Expression employée par Philippe Viilani, Vite, p. 5, dans une Circonstance pareille.