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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

auteurs classiques[1], de manuels et d’ouvrages à consulter, faits avec soin, émancipa le peuple et le dispensa de recourir continuellement aux humanistes ; lorsqu’on vit qu’ils étaient devenus moins nécessaires, l’opinion se déclara tout à fait contre eux. Les bons comme les mauvais souffrirent de ce revirement.

Ce sont les humanistes eux-mêmes qui sont les premiers auteurs des accusations dont nous avons parlé. De tous ceux qui ont jamais formé une caste, ce sont eux qui ont eu le moins d’esprit de corps ou qui ont le moins respecté le sentiment de la confraternité quand il voulait se manifester. D’autre part, quand ils se mettaient à s’attaquer, tous les moyens leur étaient bons. Ils passent en un clin d’œil des arguments scientifiques aux invectives et aux calomnies les plus grossières ; ils veulent, non pas réfuter leur adversaire, mais l’anéantir. Cela tient en partie à leur entourage et à leur position ; nous avons vu par quelles alternatives de gloire et d’abaissement a passé le siècle dont ils étaient les organes les plus actifs. En outre, dans la vie réelle, leur situation était telle qu’ils étaient sans cesse réduits à défendre leur existence. C’est dans ces conditions qu’ils écrivaient, péroraient et se déchiraient les uns les autres. Les œuvres du Pogge contiennent à elles seules assez d’infamies pour faire condamner toute la corporation, et ce sont précisément ces Opera Poggii qui ont été le plus souvent réimprimées des deux côtés des Alpes. Qu’on ne se réjouisse pas trop tôt si l’on trouve au quinzième siècle une figure inattaquable en apparence ; en cherchant bien, on risque toujours de rencontrer une calomnie qui la ternit, même si

  1. Il ne faut pas oublier que les classiques furent imprimés de très-bonne heure avec des scholies anciennes et des commentaires modernes.