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CHAPITRE X. — LA POÉSIE NÉO-LATINE.

ne succombe qu’au dix-septième siècle, tuée par l‘emphase.

À Venise aussi, l’épigramme a son histoire particulière, que nous pouvons suivre grâce à la « Venezia » de Sansovino. On trouvait toute une série d’échantillons dans les devises (brievi) qui figuraient sur les portraits des doges, dans la grande salle du palais dogal ; ce sont ordinairement de deux à quatre hexamètres qui contiennent ce qu’il y a d’essentiel dans la vie publique de chaque doge [1]. De plus, au quatorzième siècle, les tombeaux portaient des inscriptions laconiques en prose, qui ne contenaient que des faits, et à côté se trouvaient des hexamètres emphatiques ou des vers léonins. Au quinzième siècle, on travaille mieux le style ; au seizième, ce soin de la forme arrive à son apogée, et bientôt apparaît l’antithèse inutile, la prosopopée, le pathos, en un mot l’enflure. Assez souvent on trouve des pointes ; il n’est pas rare de voir la critique des vivants se cacher fous l’éloge des morts. Bien longtemps après, on rencontre quelques épitaphes dont les auteurs ont cherché à être simples et naturels.

L’architecture et l’ornementation se prêtaient aux inscriptions, même nombreuses, tandis que le gothique du Nord ne trouve qu’avec peine une place convenable pour une inscription et que, sur un tombeau, par exemple, il la relègue volontiers aux endroits les plus menacés, c’est-à-dire aux bords.

Par ce que nous avons dit jusqu’ici, nous ne prétendons pas avoir convaincu le lecteur de la valeur propre de cette poésie latine des Italiens. Il ne s’agit que d’indiquer la place qu’elle occupe dans l’histoire de la cul-

  1. Marin Sañudo, dans les Vùe de’ duehi di Veneda {MüRAT., XXir), les cite régulièrement.