Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée
335
CHAPITRE X. — LA POÉSIE NÉO-LATINE.

pas, il fallait que chacun s’occupât de perpétuer sou souveuir ; en même temps le petit poëme moqueur était une arme contre des rivaux gênants. Déjà Pie II énumère avec satisfaction les distiques que son poëte en titre, Campanas, a faits à l‘occasion sous son gouvernement. Sous les pontifes qui lui succédèrent, on vit fleurir l’épigramme satirique, qui atteignit le comble de l’insolence quand elle prit à partie Alexandre VI et les siens. Sannazar n’avait relativement rien à craindre quand il composait les siennes ; mais d’autres, vivant dans le voisinage de la cour, étaient exposés aux plus grands dangers (p. 141). À la suite de huit distiques conter nant des menaces, que l’on trouva un jour affichés à la porte de la bibliothèque[1], Alexandre fît renforcer sa garde de 800 hommes[2] ; on peut se figurer comment il aurait traité le poëte si celui-ci s’était laissé prendre. Sous Léon X, les épigrammes latines foisonnaient ; qu’il s’agît de louer le Pape ou de le décrier, de châtier des eunemis, de frapper des victimes sous ou sans le voile de l’anonyme, de parler sur des siyets réels ou imagi-

  1. MAtiPiERO, ^nn. veneti, ArcK slor., VII, I, p. 508. À la fin on lit les vers suivants, qui renferment une allusion au taureau firurant dans les armes des Borgia ; Merge, Tyber, vítulos animosos ultor in undas ; Dos cadat inferno victima magna JovL’
  2. Sur toute cette question voir Roscœ, Leone X, ed. Bossi VII, 211-216 ; VIII 214-221 (les lettres qui forment l’introduction des üoryciana). Ce recueil des Coryciana, imprimé en 1524 et fort rare iujourd’liui, ne contient que les poésies latines ; Vasari a vu encore chez les Augustins un livre spécial où se trouvaient aussi des sonnets, etc. La manie d’attacher des vers au groupe devint si contagieuse quon fut obligé d’isoler ce groupe au moyeu d’un grillage, et même de le rendre invisible. La transformation de Gorilz en un Corydus senex est tirée des Géorgiques de Virgile, IV, 127. Sur la fin malheureuse de cet homme après le sac de Borne, voir Pierio Valeriano, De infelic. litterat., ed. Mencken, p. 360 5s. Je compte parler ailleurs de Conjcius et du recueil des Coryciana,