Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
331
CHAPITRE X. — LA POÉSIE NÉO-LATINE.

Quelques poètes lyriques s’emparent du culte des saints, et leurs invocations sont calquées assez habilement sur des odes d’Horace ou de Catulle où sont traités des sujets analogues. Citons comme exemple Navagero, dans l’ode à l’archange Gabriel, et surtout Sannazar (p. 323 ss.), qui pousse très-loin le mélange de l’élément chrétien et de l’élément païen. Il célèbre de préférence le saint dont il porte le nom[1], dont la chapelle se trouve dans son admirable campagne située près du Pausilippe, « à l’endroit où la mer absorbe la source qui jaillit du rocher et où les flots viennent battre le mur du petit sanctuaire ». Tous les ans, il voit revenir avec bonheur la fête de saint Nazaire ; les guirlandes de feuillage dont la petite église est ornée, surtout en ce jour solennel, lui semblent être des dons offerts en sacrifice. Même lorsqu’il accompagne Frédéric d’Aragon sur la terre d’exil, à Saint-Nazaire, près de l’embouchure de la Loire, il offre à son vénéré patron, quand vient le jour de sa fête, des couronnes de buis et de feuilles de chêne ; il se rappelle avec douleur ces belles années où les jeunes gens de tout le Pausilippe venaient à sa fête dans des barques enguirlandées, et il supplie le Ciel de hâter l’heure de son retour[2].

Ce qui surtout paraît antique au point de faire illusion, c’est une foule de poëmes écrits en vers élégiaques ou simplement en hexamètres, poëmes qui embrassent tous les genres, depuis l’élégie proprement dile jusqu’à l’épigramme. De même que les humanistes exploitaient le

  1. Nous ayons déjà appris à connaître, à propos d’une circonstance plus sérieuse (p. 72), cette habitude de mêler les saints à des actes éminemment profanes. Comp. aussi l’élégie de Sannazar : In festo die divi Nazarii martyris, Sannazari Elegiæ, 1535, fol, 166 ss.
  2. Si satis ventos tolerasse et imbres
    Ac minas fatorum hominumque fraudes,
    Da, Pater, tecto sallentem avito
    Cernere fumum !