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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

didactique, la mythologie cède le pas à l‘allégorie.

C’était dans la poésie lyrique, et spécialement dans l’élégie, que le poëte philologue se rapprochait le plus de l‘antiquité ; on peut en dire autant de l’épigramme.

Dans le genre léger, Catulle exerça une véritable fascination sur les Italiens. Bien des madrigaux latins, remarquables par leur élégance, bien des invectives, bien des billets méchants ne sont que des paraphrases de Catulle ; puis on trouve des élégies sur la mort d’un petit chien ou d’un perroquet, qui rappellent à chaque instant le « moineau de Lesbie », sans qu’on puisse y découvrir un mot de ce petit poëme. Quoi qu’il en soit, il y a des opuscules de ce genre qui peuvent tromper même le connaisseur sur la date de leur composition[1], à moins que quelque détail matériel ne fasse voir clairement qu’ils sont du quinzième ou du seizième siècle.

Par contre, il est à peu près impossible de trouver des odes saphiques ou alcaïques, etc., qui ne trahissent par quelque coin leur origine moderne. Le caractère moderne se reconnaît généralement à cette faconde de rhéteur dont Stace donne le premier exemple dans l’antiquité, à l’absence de la concentration lyrique qui doit caractériser ce genre de poésie. Certaines parties d’une ode, deux ou trois strophes réunies, peuvent bien avoir l’air d’être un fragment antique, mais le tout ne saurait guère faire illusion. Et quand par hasard la couleur est franchement antique, comme dans la belle ode à Vénus, par Andréa Navagero, on reconnaît facilement une simple paraphrase de chefs-d’œuvre de l’antiquité[2].

  1. Le premier poëme comique de L. B. Alberti, qui portait comme nom d’auteur celui de Lepidus, passa longtemps pour une œuvre antique.
  2. Poésie imitée (comp. plus bas, p. 332, note 1) du début de Lucrèce et d’Horace, Odes, IV, I.