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CHAPITRE IX. — LATINISATION GÉNÉRALE DE LA CULTURE.

d‘un goût plus raffiné, tels que Paul Jove, n’usaient de pareilles dénominations que lorsqu’ils ne pouvaient pas faire autrement. Comme Paul Jove semble n’attacher aucune importance à ces noms empruntés à l’antiquité, on n’est pas trop choqué de voir, dans ses périodes harmonieuses, les cardinaux s’appeler senatores, leur doyen princeps senatus, l’excommunication dirœ[1], le carnaval Lupercalia, etc. L’exemple de cet auteur même fait voir combien il faut se garder de voir dans ces détails de style l’indice de l’influence absolue de l’antiquité sur la vie moderne.

Il nous est impossible de pousser plus loin l’histoire du style latin. Pendant deux siècles entiers, les humanistes ont vanté la langue latine comme étant la seule dans laquelle on pût écrire. Le Pogge [2] regrette que Dante ait composé son grand poëme en italien ; on sait que i’illustre poëte avait essayé du latin, el qu’il a commencé par écrire le commencement de l‘Enfer en hexamètres. Tout l’avenir de la poésie italienne tient à ce qu’il n’a pas continué dans cette voie; cependant Pétrarque (voir plus haut, p. 261) comptait plus sur ses poésies latines que sur ses sonnets et ses Canzone; on conseillait

  1. C’est ainsi que les soldats de l’armée française (1512) sont omnibus diris ad inferos dsvocati. Nous reparlerons plus bas du bon chanoine Tizio, qui s’y prenait plus sérieusement et qui lança contre les troupes étrangères une formule d’anathèrne tirée de Macrobe.
  2. De infelicitate princîpum, dans POGGII Opera, éd. Bâle, 1513, fol. 152 : Cuius [Daniîs) exstat poema prœclarum, neque si litteris latinis eonstaret, vîla ex parte poetis superioribus (les anciens) postponendum. CORTESins [De hominihus doclis, p. 7] dit : ütinam tam bene cogitationes mas latinis litteris mandare potuisset, quam bene patrium sermonem iUus- trarntîm parlant de Pétrarque et de Boccace, le même auteur fait entendre des plaintes du même genre. D’après Boccaccio, Vita di Dante, p. 74, il y avait déjà beaucoup de gens, et dans ù nombre des gens sages, qui se demandaient pourquoi Dante n’avait pas écrit son poëme en latin.