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CHAPITRE VII. — REPRODUCTION DE L’ANTIQUITÉ.

répandus. Dans les documents publiés par Corio sur l’histoire de Milan, on est frappé du contraste qui existe entre le style de ces pièces et celui des quelques lettres qui ont dû être écrites par les membres de la famille princière eux-mêmes, et cela dans les circonstances les plus graves[1] ; elles sont de la latinité la plus pure. Garder son style même à l’heure du danger, c’était comme une règle de savoir-vivre et une suite de l’habitude. Outre les fonctionnaires, il y avait naturellement aussi des particuliers, des savants de tout genre qui écrivaient. Le but des lettres était rarement celui que nous nous proposons, nous autres modernes, savoir de renseigner un absent sur notre situation, de l’instruire de nouvelles de toute sorte ; on les regardait plutôt comme un travail littéraire et on les écrivait, moitié pour faire preuve de culture intellectuelle, moitié pour se poser dans l’opinion du destinataire. La lettre commença par remplacer la dissertation savante, et Pétrarque, qui a le premier donné cet exemple, peut être considéré comme le rénovateur du style épislolaire des anciens, ne serait-ce que parce qu’il remplace le « vous », légué par le latin du moyen âge, par le classique « tu ». Plus tard, les lettres devinrent des assemblages de phrases ingénieuses et élégamment tournées, par lesquelles on essayait d’encourager ou d’humilier ses inférieurs, d’encenser ou d’attaquer ses collègues, de glorifier ou d’implorer ses supérieurs [2].

  1. CORIO, Storia di Milano, fol. 449, la lettre d‘IsabelIe d’Aragon à son père Alphonse de Naples ; fol. 451, 464, deux lettres du More â Charles VIII. — Comp. avec ces lettres l’historiette qui se trouve dans les Lettere pîuoriche, III, 86 (Sébast. del Piombo à Arétin) : comment, pendant le sac de Rome, Clément VII réunit ses savants au château et leur fait faire h chacun le brouillon d’une supplique à Charles-Quint.
  2. Pour l’épistolographie en général, comp. G. Voigt, Renaissance, p. 414-427.