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CHAPITRE III. — LA TYRANNIE AU QUINZIÈME SIÈCLE.

même, et deux fils illégitimes de son frère et prédécesseur Leonello, également illégitime. Il y a plus : ce dernier avait eu une épouse légitime ; c’était une fille illégilime d’Alphonse Ier et d’une Africaine[1]. Souvent aussi l’on reconnaissait des droits aux bâtards, notamment quand les fils légitimes étaient mineurs et que la vacance du trône créait de sérieux dangers ; on admettait une sorte de droit d’aînesse, sans examiner si la naissance du prince qui prenait la couronne était légitime ou non. Partout, en Italie, l’intérêt direct de l’État, la valeur de l’individu et la mesure de son talent sont plus puissants que les lois et les coutumes du reste de l’Occident. N’était-ce pas le temps où les fils des papes se taillaient des principautés dans la Péninsule ?

Au seizième siècle, grâce à l’influence des étrangers et de la réaction politique qui commençait à se faire sentir, la question de la légitimité fut traitée moins légèrement ; Varchi trouve que la succession des fils légitimes est « commandée par la raison et qu’elle a été, de toute éternité, conforme à la volonté du ciel[2] ». Le cardinal Hippolyte Médicis fondait son droit à régner sur Florence sur le fait qu’il était issu d’une union peut-être légitime, ou du moins qu’il était fils d’une femme noble et non d’une servante[3] (comme le duc Alexandre). À cette époque commencent aussi les mariages de sentiment ou mariages morganatiques, qui, pour des raisons morales et politiques, n’auraient guère eu de sens au quinzième siècle.

  1. Maria Sanudo, Vita de duchi di Venezza, dans Murat., XXII, col. 1113.
  2. Varchi, Stor. Fiorent., I, p. 8
  3. Soriano, Relaz. di Roma, 1553, chez Tommaso Gar, Relazioni della Corte di Roma (dans Alberi, Relation déglinguée ambasciatori venait, II, ser, t. III, p. 281).