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CHAPITRE VI. — LES PROMOTEURS DE L’HUMANISME.

Les Sforza[1] également sont tous plus ou moins instruits et se déclarent les protecteurs des lettres, comme ou la vu plus haut (pp. 30, 49). Il est probable que le duc François regardait l‘intervention des humanités dans l’éducation de ses enfants comme une chose que des raisons politiques rendaient toute naturelle ; toute la famille, en général, semble avoir attaché une grande importance à ce que le prince fût à la hauteur des hommes les plus instruits. Ludovic le More, qui est lui-même un latiniste de premier ordre, s’intéresse à tout ce qui est du domaine de l’intelligence et va bien au delà de l’antiquité sous ce rapport (p. 63 ss.).

Même les petits souverains recherchaient ce genre de supériorité, et c’est leur faire injure que de croire qu’ils n’entretenaient leurs littérateurs de cour que pour être adulés par eux. Un prince comme Borso de Ferrare (p. 62) ne nous apparaît plus, malgré sa vanité, comme un homme qui s’attend à être immortalisé par les poëtes, bien que ceux-ci l’aient chanté dans une « Borséide » et dans d’autres compositions de ce genre ; il a trop le sentiment de sa puissance pour concevoir une ambition aussi mesquine. Mais, d’autre part, le commerce des savants, le goût de l’antiquité, le besoin de savoir lire et écrire d’élégantes épîtres latines étaient, en ce temps-là, inséparables de l’autorité souveraine. Combien le duc Alphonse, ce prince si instruit (p. 62), a-t-il regretté que son état maladif l’eût forcé, dans sa jeunesse, à recourir aux travaux manuels pour rétablir sa santé[2] ! Ou bien

  1. Chez le dernier Visconti, Tite-Live et les romans de chevalerie français, sans compter Dante et Pétrarque, se disputent encore la préférence du prince (p. 38). Il avait l’hahitude de renvoyer au bout de quelques jours les humanistes qui se présentaient chez lui et qui voulaient le « rendre célèbre ». Comp. Decembrio, dans Murat, XX. col. 1114.
  2. Paul. Jovii Vita Alfonsi ducis.