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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

signifiait cette aigle qu’on avait toujours épargnée au milieu de tant de révolutions, et quels droits l’Empire avait sur Gênes. Personne ne savait lui répondre autre chose que la phrase sacramentelle ; Gênes est une camera imperii. En général, personne en Italie n’était capable de répondre pertinemment à de pareilles questions. Ce n’est que lorsque Charles-Quint fut à la fois maître de l’Espagne et de l’Empire qu’il put, avec les ressources que lui fournissait l’Espagne, faire prévaloir aussi ses droits d’Empereur. Mais ce qu’il gagna ainsi profita, comme on le sait, non pas à l’Empire, mais à la puissance espagnole.

À l’illégitimité politique des princes du quinzième siècle se rattachait l’indifférence à l’égard de la légitimité de la naissance, indifférence qui choquait tant les étrangers, Commines, par exemple. L’un était en quelque sorte la conséquence naturelle de l’autre. Pendant que dans le Nord, notamment dans la maison de Bourgogne, on attribuait aux bâtards des apanages particuliers, nettement délimités, des évêchés, etc., pendant que dans le Portugal une ligne bâtarde ne se maintenait sur le trône qu’au prix des plus grands efforts, il n’y avait plus en Italie une seule maison princière qui n’eût eu et qui n’eût supporté tranquillement dans la ligne principale quelque descendance illégitime. Les Aragonais de Naples étaient la branche bâtarde de la maison, car ce fut le frère d’Alphonse Ier qui hérita de l’Aragon lui-même. Peut-être le grand Frédéric d’Urbiu n’était-il pas un vrai Montefeltro. Lorsque Roi|Pie|II}} se rendit au Congrès de Mantoue (1459), huit bâtards de la maison d’Este vinrent à sa rencontre[1], et parmi eux se trouvaient Borso, le duc régnant lui-

  1. Ils sont énumérés dans le Diario Ferrarese ; voir Murat., XXIV, col. 203, Compar. Pii IV Commentarii, ed. Rom. 1854, II, p. 102.