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CHAPITRE VI. — LES PROMOTEURS DE L’HUMANISME.

miers laïques qui s’enterra dans les livres, et devint, comme nous l’avons dit (p. 256), un des plus grands savants de son temps. Lorsque l’État l’employa comme chargé d’affaires, directeur des contributions et gouverneur (à Pescia, à Pistoie et à Mugello), il remplit ces fonctions en homme qui aurait conçu tout à coup un idéal élevé, fruit naturel de ses études et de ses sentiments religieux. Il fit rentrer les impôts les plus odieux, que l‘État avait décrétés, mais sans accepter aucune rétribution pour sa peine ; comme gouverneur de province, il refusa tous les présents, repoussa toutes les ientatives de corruption dont il fut l’objet, exigea de ses subordonnés une obéissance aveugle et un entier désintéressement, veilla à l’importation des grains nécessaires, mit un frein à la fureur du jeu, termina des procès sans nombre et fit en général tout ce qu’il put pour calmer les passions contre lesquelles il avait à lutter. Les habitants de Pistoie l’aimaient et l‘honoraient comme un saint ; jamais ils ne purent découvrir pour lequel des deux partis qui divisaient leur ville il avait le plus de sympathie ; lorsque le terme de sa mission fut arrivé, les deux factions rivales envoyèrent une députation à Florence pour demander qu’on le maintînt en fonction. Comme pour créer un symbole de ia destinée commune et des droits de tous, il composa dans ses heures de loisir l’histoire de la ville, qui fut reliée en pourpre et conservée dans le palais de Pistoie comme un objet sacré[1]. Lors de son départ, la ville lui fit cadeau d’une bannière brodée à ses armes et d’un magnifique casque en argent. De même qu’à Pistole, Mannetti défendit, en qualité d’envoyé extraordinaire, les intérêts de sa patrie contre

  1. Le titre de cet ouvrage est cité en latin et en italien dans Bisticci, Commentario, p. 109, 112.