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CHAPITRE VI. — LES PROMOTEURS DE L’HUMANISME.

était en toutes choses d’une propreté raffinée, mais surtout à table ; là on voyait devant lui, sur une nappe d’une blancheur éblouissante, des vases antiques et des coupes de cristal[1]. La manière dont il gagne à ses intérêts un Jeune Florentin passionné pour le plaisir[2], est trop amusante pour que nous ne la racontions pas ici.

Piero de Pazzi, fils d’un riche négociant, et destiné à succéder à son père, doué d’un physique avantageux et très-adonné aux plaisirs du monde, ne pensait à rien moins qu’à la science. Un jour qu’il passait devant le palais du podestat[3], Niccoli l’appela ; il s’empressa de venir auprès du savant respecté, bien qu’il ne lui eût Jamais parlé auparavant. Niccoli lui demanda qui était son père ; il répondit : Messire André de Pazzi. — Quel est ton métier ? continua l’autre. Piero répondit avec le sans façon de la jeunesse : Je prends du bon temps, attendo a darmi buon tempo. Niccoli lui dit alors : Étant le fils d’un tel père et doué d’un extérieur aussi heureux, tu devrais rougir d’ignorer la science latine, qui te ferait honneur ; si tu ne l’étudîes pas, tu ne seras considéré de personne, et dès que la fleur de la jeunesse sera fanée, tu seras un homme sans aucune valeur (virtù). Lorsque Piero entendit ces paroles, il reconnut aussitôt que le savant avait raison, et il lui dit qu’il étudierait volontiers s’il trouvait un maître ; à quoi Niccoli répondit : Je m’en charge. Et en effet, il lui procura un maître instruit qui se mit à lui apprendre le latin et le grec ; c’était un nommé Fontano ; Piero le fit demeurer dans sa maison et lui donna un traitement annuel de 100 florins d’or. Au lieu de vivre dans la débauche

  1. Les mots suivants de Vespasiano sont intraduisibles : A vederlo in tavola cosi antico come era, era una gentilezza.
  2. Ibidem, p. 485.
  3. D’après Vespas., p. 271, c’était un cénacle où l’on disputait aussi.