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LA RÉSURRECTION DE L’ANTIQUITÉ.

et au quinzième livre un appendice où il discute l’attitude de l’humanisnae naissant vis-à-vis de son siècle. Qu’on ne s’y trompe pas ; il ne parle que de la « poésie » ; mais, en y regardant de plus près, on remarquera qu’il a en vue toute l’activité intellectuelle des poètes philologues[1] C’est elle dont il combat les ennemis avec une énergie infatigable ; il en veut à ces ignorants frivoles qui ne songent qu’à faire bonne chère et à mener joyeuse vie ; à ces théologiens sophistes pour qui l’Hélicon, la fontaine de Castalie et le bois sacré de Phébus ne sont que folie pure ; à ces jurisconsultes avides d’or, qui regardent la poésie comme une chose superflue, puisqu’elle ne mène pas à la fortune-, enfin aux moines mendiants (désignés au moyen de périphrases assez transparentes ) qui se plaisent à accuser le paganisme et à tonner contre l’immoraUté du siècle[2]. Vient ensuite la partie positive de sa thèse, c’est-à-dire la preuve que la poésie des anciens et des modernes qui sont leurs successeurs ne contient rien de mensonger ; il finit par l’éloge de la poésie, notamment du sens profond, du sens allégorique qu’il faut chercher chez les poètes, de la légitime obscurité dont elle s’enveloppe à dessein afin de rester inaccessible aux profanes, c’est-à-dire aux ignorants.

  1. Poeta désigne encore chez Dante {Vita nuova, p. 47) seulement celui qui se sert de la langue latine, tandis qu’on emploie les expressions Rimaiore, Diciiore pcr rima, pour le poëte italien. Sans doute les mots et les idées se confondent avec le temps.
  2. Pétrarque lui-même, étant au comble de la gloire, se plaint à ses heures de mélancolie que sa mauvaise étoile l’ait condamné h vivre sur ses vieux jours au milieu de coquins — extremi furet. — Voir la lettre fictive à Tite-Live, Epp. fam. ad. Fracau., lib. XXIV, ep. 8. On sait que Pétrarque défendait la poésie et comment il la défendait (comp. Geiger, Petr., p. 113-117). Outre les ennemis que Boccace a combattus, il a pris encore à partie les médecins ; comp. Invectiva in medicum objurgantem, lib. I et lII.