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CHAPITRE PREMIER. — OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

puisse faire à cet élément nouveau, c’est d’être exclusif c’est de diviser fatalement toute l’Europe en deux classes, la classe instruite et la classe ignorante. Mais ce reproche perd toute valeur, dès qu’on est obligé de reconnaître que le mal subsiste encore aujourd’hui, que tout le monde le constate et qu’on ne peut cependant le faire disparaître. D’ailleurs, il s’en faut de beaucoup que cette démarcation soit aussi tranchée et aussi inexorable en Italie qu’ailleurs. Un des plus grands poètes italiens, le Tasse, n’est-il pas dans les mains des gens les plus pauvres ?

L’antiquité romaine et grecque, qui, dès le quatorzième siècle, exerça une action si puissante sur la vie de l’Italie comme base et comme source de la culture, comme but et comme idéal de l’existence, en partie aussi comme contraste voulu, cette antiquité avait depuis longtemps fait sentir son influence à tout le monde du moyen âge. Cette civilisation représentée par Charlemagne, comparée a la barbarie du septième et du huitième siècle était au fond une véritable renaissance et ne pouvait pas être autre chose. De même que l’architecture romane, après avoir hérité des formes générales de l’antiquité en était venue à emprunter directement aux anciens certaines formes particulières, de même la science, alors refugiee dans les couvents, avait absorbé à la longue une masse de matériaux recueillis dans les auteurs latins et, à partir d’Eginhard, le style de ces modèles fut souvent imité.

Mais le réveil de l’antiquité se fait tout autrement en Italie que dans le Nord, Dès que la barbarie cesse dans la Péninsule, le peuple italien, qui est encore à moitié antique, voit clair dans son passé ; il le célèbre et veut le ressusciter. En dehors de l’italie. il s’agit de la mise en