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CHAPITRE IV. — LA RAILLERIE ET L’ESPRIT MODERNES.

prement dite, comme, par exemple, le plan d’une comédie vraiment dramatique. Qu’on ajoute à cela la méchanceté la plus grossière et la plus raffinée à la fois, avec le don d’exceller dans le genre grotesque, où souvent il n’est pas inférieur à Rabelais lui-même[1].

Ainsi armé pour la lutte, il se jette sur sa proie ou tourne autour d’elle en attendant qu’il puisse la dévorer. La manière dont il exhorte Clément VII à ne pas se plaindre, à ne pas songer à la vengeance, mais à pardonner [2], pendant que les cris de douleur de Rome dévastée s’élèvent jusqu’au château de Saint-Ange, où le Pape est prisonnier, dénote la malice d’un singe ou d’un démon. Parfois, quand il lui faut absolument renoncer à l’espérance de recevoir des présents, sa fureur éclate en hurlements sauvages, comme, par exemple, dans le chapitre consacré au prince de Salerne. Celui-ci l’avait payé pendant quelque temps et ne voulait plus continuer de le pensionner ; d’autre part, il paraît que le terrible Pierluigi Farnèse, duc de Parme, ne fit jamais attention à lui. Comme ce prince avait renoncé, pour cause, à trouver grâce devant l’opinion publique, il n’était plus facile de l’atteindre ; Arétin l’essaya toutefois [3], en comparant son extérieur à celui d’un sbire, d’un meunier et d’un boulanger. Arétin est surtout amusant lorsqu’il prend le ton larmoyant du mendiant de profession, par exemple, quand il s’adresse à François Ier ; par contre, on ne lira jamais sans être écœuré les lettres et les poëmes où il mêle la flatterie à la menace, malgré les traits comiques qu’il y prodigue. On

  1. P. ex. dans le chapitre consacré à un mauvais poëte du nom d’Albicante ; malheureusement il est impossible d’en citer des passages.
  2. Lettere, ed. 1639, fol. 39, du 31 mai Í527.
  3. Dans le premier chapitre à còme