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CHAPITRE IV. — LA RAILLERIE ET L’ESPRIT MODERNES.

lien, et quelquefois elle l’a été avec uu véritable éclat.

Vers le milieu de la période de la Renaissance, on commence à analyser l’esprit, à en faire la théorie et à poser la règle de son emploi dans la bonne société. Le théoricien est Joviano Pontano[1] ; dans son ouvrage sur l’art de parler, notamment dans le troisième et le quatrième livre, il essaye d’arriver à un principe général par l’analyse d’un certain nombre de bons mots ou facetiœ. Quant à la manière d’employer l’esprit parmi ies gens de qualité, c’est Balthazar Gasliglione qui l’enseigne dans son Cortigiano [2] Naturellement il s’agit surtout de l’art d’égayer des tiers en reproduisant des histoires comiques ou gracieuses et des mots plaisants ; l’auteur met plutôt en garde contre la plaisanterie directe, parce que, dit-il, elle est un moyen de blesser des malheureux, de faire trop d’honneur à des criminels et d exciter à la vengeance des personnages puissants et des gens gâtés par la fortune [3] ; de même, au point de vue de la narration, il recommande à l’homme de qualité un emploi judicieux de la mimique, c’est-à-dire du geste. Puis vient, non pas à titre de modèles à reproduire, mais de paradigme pour de beaux esprits futurs, un volumineux recueil de tours et de mots plaisants, méthodiquement rangés par catégories, parmi lesquels il y en a beaucoup d’excellents et de parfaits. Environ vingt ans

  1. Jovian. PoNTAN., De scrmone, libri. V, Il reconnaît que non-seulement les Florentins, mais encore les Siennois et les Pérugiris ont un remarquable esprit naturel (pour les Siennois, voir l’écrit cité plus haut, p. 90, noie 1, et p. 197, note 1) ; il y joint la cour espagnole par politesse.
  2. llcorligiano, lib. Il, cap. L SS., cd. Bande di Ves ?ne, Florence 1854 p 124SS. Voir ibid., rap. LXVIII, p. 136, comment l’auteur fait dériver l’esprit du contraste, bien que sa déduction ne soit pas tout â fait claire.
  3. Pontanus, De sermone,lib. IV, cap,m, recommande aussi de n’employer ridicula ni contre les malheureux ni contre les puissauts.