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DÉVELOPPEMENT DE L’INDIVIDU.

pendant de la vie qu’à la condition d’avoir sa victime régulière, c’est-à-dire l’individu développé, ayant des prétentions personnelles. Mais alors il ne se borne plus à la parole et à l’écriture, il entre dans le domaine des faits : il fait des farces et joue des tours, ce qu’on appelle burle et beffe, qui constituent le fond de plusieurs recueils de nouvelles.

Les « Cent vieilles Nouvelles », qui remontent certainement à la fin du treizième siècle, n’ont encore pour élément principal ni l’esprit qui naît du contraste, ni le burlesque[1] ; leur but est simplement de reproduire sous une forme simple, mais élégante, de sages sentences, des histoires et des fables ingénieuses. Si quelque chose prouve l’antiquité de ce recueil, c’est précisément le manque d’ironie. En effet, aussitôt après le treizième siècle vient Dante, qui, sous le rapport de l’expression du mépris, laisse derrière lui tous les poètes du monde et qui, en fait de verve comique puissante et d’ironie colossale, est le maître par excellence : témoin ce merveilleux tableau de genre, la peinture des trompeurs qui figure dans l’Enfer[2]. Avec Pétrarque commencent [3] déjà les recueils de sentences à l’instar de Plutarque (Apophthegmes, etc.).

    cette tendance, c’est le roman du Renard sous toutes ses formes, tel que l’ont conçu les différents peuples de l’Occident. En littérature française contemporaine a produit, dans ce genre, un travail excellent ; Lenient, la Satire en France au moyen âge, et la suite de cet ouvrage, qui n’est pas moins remarquable : la Satire en France, ou la Littérature militante au seizième siècle, Pans, 1866.

  1. Compar. plus haut, p. 6, note 1. Par exception on trouve à cette époque une plaisanterie insolente, Nov. 37.
  2. Inferno, XXI, XXII. Le seul terme de comparaison possible serait Aristophane.
  3. >ll débute timidement dans Opera, p. 421 ss., dans Rerum memorandarum libre IV. D’autre part dans Epp. senil, X, 2. Compar. aussi Epp.fam. [ed. Fracass.), VOl. ï, p. 68 ss., 70, 240, 245. Les jeux de mots sentent parfois encore l’asile que ce genre d esprit aait trouvé au moyen âge, c’est-à-dire le couvent. Les invectives de