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CHAPITRE IV
LA RAILLERIE ET L’ESPRIT MODERNES

Le correctif non-seulement de la gloire et de l’ambition modernes, mais aussi de l’individualisme arrivé à un haut degré de développement, c’est la raillerie moderne, qui se produit autant que possible sous la forme triomphante de i’esprit[1]. Nous savons par l’histoire du moyen âge comment des armées ennemies, des princes et des grands se blessent et s’irritent jusqu’à la fureur par des railleries amères, ou comment le vaincu est écrasé sous le poids de la honte qu’il se voit rappeler partout. Dans les controverses théologiques on voit déjà de temps à autre l’esprit devenir une arme sous l’influence de la rhétorique et de l’épistolographie des anciens, et dans la poésie provençale se développe un genre particulier de chants de défi et de chansons moqueuses ; ce ton ne manque pas non plus à l’occasion aux minnesængers, ainsi que l’attestent leurs poésies politiques[2]Mais l’esprit ne pouvait devenir un élément indé-

  1. L’injure seule se trouve déjà de très-bonne heure chez le menteur Benzo d’Albe, du onzième siècle (Mon, Germ, SS XI, 591-681).
  2. Le moyen âge possède en outre un grand nombre de poèmes satiriques ; mais ce n’est pas encore la satire personnelle, ce sont presque toujours des satires générales, dirigées contre des classes, des catégories, des populations, etc., qui, par suite, prennent facilement le ton didactique. L’œuvre dans laquelle se résume