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CHAPITRE II
ENTIER DÉVELOPPEMENT DE LA PERSONNALITÉ

Un esprit familiarisé avec l’histoire de la culture intellectuelle n’aurait pas de peine à suivre pas à pas la progression toujours croissante de rindividualisme. Il est difficile de dire si les hommes qui sont arrivés au plein épanouissement de leurs facultés se sont nettement proposé pour but le développement harmonieux de leur intelligence ; mais ce qui est certain, c’est que plusieurs étaient parvenus à la perfection relative que comporte la faiblesse humaine. Si l’on renonce, par exemple, à dresser un bilan général pour Laurent le Magnifique, en y faisant figurer sa singulière fortune, ses grandes qualités et son caractère remarquable, que l’on considère du moins une individualité comme celle de l’Arioste, particulièrement dans ses satires. Dans quelle harmonie n’y voit-on pas se fondre la fierté de l’homme et du poëte, l’ironie qui s’attaque à ses propres jouissances, la raillerie la plus fine et la bienveillance la plus vraie !

Quand cette tendance à développer au plus haut point la personnalité[1] se rencontrait avec une nature réelle-

  1. Le réveil de la personnalité se montre aussi dans l’importance exagérée qu’on attache au développement indépendant, dans la prétention de former les esprits sans l’influence des parents et des ascendants. Boccace, De cas. vir, ill. (Paris, s. a., fol. XXIX b), rappelle que Socrate est né de parents sans culture, qu’Euripide