Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
DÉVELOPPEMENT DE L’INDIVIDU.

tenir l’honneur de leur maison et leur rang personnel, et il est probable que, pour une foule d’entre eux, la servitude a dégradé leur caractère moral. Mais il n’en a pas été de même de ce qu’on nomme le caractère individuel, car c’est précisément l’absence d’influence politique qui a développé avec d’autant plus d’énergie les aspirations des particuliers. La richesse et la culture, en tant qu’elles pouvaient se produire et, par la concurrence et l’émulation, jointes à une liberté municipale qui ne laissait pas d’être encore considérable, s’étendre à l’existence d’une Église qui ne se confondait pas avec l’État, comme à Byzance et dans le monde de l’islamisme, tous ces éléments réunis favorisaient certainement l’éclosion d’idées individuelles, et c’est précisément l’absence des luttes de partis qui permettait aux esprits de se développer à l’aise. Il est bien possible que le simple particulier, indifférent en matière politique, partagé entre ses occupations sérieuses et ses goûts esthétiques, soit arrivé dans ces États despotiques du onzième siècle au complet épanouissement de ses facultés avant les citoyens d’autres États. Sans doute on ne peut demander à cet égard des documents authentiques ; les nouvellistes dont on pourrait attendre quelques indications mettent souvent en scène des hommes etxraordinaires ; mais ils n’ont en vue que l’intérêt que ces personnages peuvent répandre sur l’histoire qu’ils veulent raconter ; de plus, la scène des événements qu’ils imaginent se passe principalement dans des villes républicaines.

D’autres causes favorisaient dans ces villes le développement du caractère individuel. Plus les partis se succédaient vite au pouvoir, plus l’individu avait de raisons pour concentrer toutes ses facultés dans l’exercice et dans la jouissance de la domination, C’est là ce qui