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CHAPITRE X. — LA PAPAUTÉ ET SES DANGERS.

viennent prédire dans les rues la ruine de l’Italie et la fin du monde ; ils nomment le pape Clément l’Antéchrist[1] ; la faction des Colonna relève insolemment la tête ; l’intraitable cardinal Pompée Colonna, dont la seule présence[2] est une menace perpétuelle pour la papauté, ose tenter un coup de main sur Rome (1526), dans l’espérance de devenir pape avec le secours de Charles-Quint, dès que Clément sera mort ou prisonnier. Celui-ci put se réfugier dans le château Saint-Ange ; mais Rome n’en fut pas plus heureuse pour cela ; quant au sort qui devait lui être réservé à lui-même, on peut l'appeler pire que la mort.

Par une série de perfidies de tout genre, de perfidies qui ne sont permises qu’aux forts et qui sont funestes aux faibles, Clément provoqua l’approche de l’armée hispano-allemande commandée par Bourbon et par Frondsberg (1527). Il est certain[3] que le cabinet de Charles-Quint avait voulu frapper un coup terrible, et qu’il ne pouvait prévoir jusqu’où iraient les excès de ces hordes qu’il ne payait pas. Les Allemands n’auraient pas consenti à servir à peu près gratuitement, s’ils n’avaient su qu’ils allaient marcher contre Rome. Peut-être existe-t-il des ordres écrits de Charles-Quint au duc de Bourbon, même des ordres relativement modérés ; mais de pareils documents ne sauraient modifier le jugement de l’historien. C’est un pur hasard que le Pape et les cardinaux n’aient pas été égorgés par les soudards de l’Empereur et Roi très-Catholique. S’ils avaient péri, nul sophisme au monde ne pourrait établir l’innocence de ce prince. Le massacre d’une foule innombrable de gens de moindre condition, les contributions énormes arrachées aux sur-

  1. Varchi., Stor. fiorent., I, 43, 46 ss,
  2. Paul Jovius, Vita Pomp. Columnœ.
  3. Ranke, Histoire d’Allemagne (4e édit. et ss.), II, 262 ss.