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CHAPITRE X. — LA PAPAUTÉ ET SES DANGERS.

Même en supposant que la destruction de tous les petits souverains qui encombraient les États de l’Église ait rendu sympathique le nom de César Borgia, même en admettant que l’armée qui suivit sa fortune en 1503, armée composée des meilleurs soldats et des meilleurs officiers, avec léonard de Vinci comme ingénieur en chef, prouve qu’il avait des chances d’avenir, il n’en est pas moins vrai qu’il y a dans son existence bien des faits irrationnels, qui déroutent notre jugement aussi bien qu’ils ont dérouté celui de ses contemporains. Je veux parler surtout de la manière dont il maltraite et dévaste rÉtat qu’il vient de conquérir, et qu’après tout il compte garder et gouverner. J’y ajouterai l’état de Rome et de la curie dans les dernières années du pontificat d’Alexandre. Soit que le père et le fils aient dressé une liste de pro¬ scription ea règle [1], soit que les projets d’assassinat aient été conçus par chacun d’eux en particulier, il résulte de l’histoire des Borgia qu’ils s’appliquèrent à faire dispa¬ raître tous ceux qui les gênaient à un titre quelconque ou dont ils convoitaient la succession. Les capitaux et les valeurs mobilières les tentaient bien moins que le reste : le Pape avait bien plus de profit à voir s’éteindre les rentes viagères que le trésor pontifical payait à cer-

[Note 1] Machiavel, p. 326, 351, 414. Matauazzo, Cronaca, di Perugia, Arch. slor., XVI, il, p. 157 et 221 ; « Il voulait que les soldats se logeassent à leur gs'é, de sorte qu'en temps de paix ils gagnaient encore plus qu’en temps de guerre. *■ Petriis Alcyonus, De eaiiio (1522), ed Meucken, p. 19, dit à propos de la manière de faire la guerre : Ea sedera et flagitia a noslris militihus palraia sunt qum ne ScyiÎm quidtm aut Turcæ, aut Pœni iniiaUa commisissent. Le même auteur accuse (p. 65) Alexandre d’étre Espagnol : Hispani generis hominem, cujus proprimut est, ralionibas el commodis Hispanorum consultum mile, non iiabrum. Compar, ci-dessus, p. 138.

  1. ln arcano proscriptorum albo pesim, comme Pierio VALERIANO, De infdtcitate liucrai., à propos de Giovanni Hcgio, éd. Mencken. p. 232.