Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 1.djvu/148

Cette page n’a pas encore été corrigée
144
L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

dait rester à tout prix maître des États de l'Église, et qu’après tout ce qu’il avait fait, il lui aurait été impossible de s’y maintenir comme pape. Il avait travaillé plus que personne à séculariser les États pontificaux[1], et il aurait été obligé de prendre définitivement cette mesure pour continuer d’y régner. Nous nous tromperions fort si telle n’était pas la raison principale de la sympathie secrète avec laquelle Machiavel traite cet illustre scélérat ; si quelqu’un pouvait lui faire espérer qu’il « retirerait le fer de la blessure », c’est-à-dire qu il détruirait la papauté, cette source de toutes les interventions, cette cause du morcellement de l’Italie, c’était bien César. — Il y avait des intrigants qui s’imaginaient deviner César Borgia et qui lui présentaient l’appât du litre de roi de Toscane ; mais il les repoussait avec dédain, paraît-il[2].

Pourtant toutes les conclusions logiques qu’on peut tirer des prémisses qu’il avait posées sont peut-être fausses, non pas à cause d’un certain génie du mal qui, après tout, n’était pas plus naturel chez lui que chez le duc de Friedland, mais parce que les moyens qu’il employait sont, en général, incompatibles avec une parfaite conséquence dans la conduite. Peut-être la papauté aurait-elle trouvé uue chance de salut dans l’excès de sa scélératesse, même sans le hasard qui mit fin à sa domination.

  1. On sait qu’il était marié avec une princesse française de la maison d’Albret, et que de ce mariage était née une fille, il aurait biencherclié a fonder une dynastie dune mamere quelconque. L'no sait pas s’il a fait dos démarches »'J, « de cardinal, bien que (d’après Machiavei,, p. 285) li diU comptci sur la mort prochaine de son père.
  2. Machiavel, p. 331. César avait des vues échéant sur toute la Toscane; mais ses projets n étaient pas encore tout à fait mûrs ; pour les exécuter, il fallait l’assentiment de la France.