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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

qu’à faire le plus vil usage de la puissance, notamment à amasser d’immenses trésors[1]. La manière dont le père et le fils s’y prenaient pour satisfaire leur passion de l’or aurait nécessairement, à la longue, conduit à une catastrophe, à la dissolution même de l’État.

Si Sixte IV s’était procuré de l’argent en vendant toutes les grâces et toutes les dignités spirituelles, Innocent et son fils fondèrent une banque des grâces temporelles, où le crime de meurtre pouvait se racheter au moyen de taxes fort élevées ; sur le produit de chaque amende, il y a 150 ducats pour le trésor pontifical, el le reste est versé à Franceschetto. Rome pullule, notamment dans les dernières années de ce pontificat, d’assassins protégés et non protégés ; les factions, que Sixte IV avait commencé â dompter, ont partout relevé la tête ; le Pape, en sûreté derrière les murailles de sou Vatican, se borne à tendre de temps à autre un piège aux criminels capables de payer. Il n’y avait plus pour Franceschetto qu’une question importante, celle de savoir comment il pourrait disparaître en emportant le plus d’argent possible, dans le cas où le Pape viendrait à mourir. Il se trahit un jour que s’était répandu faussement le bruit de la mort du Saint-Père (1490) ; il voulut emporter tout l’argent existant dans les caisses, c’est-à-dire le trésor de l’Église, et, l’entourage du Pape l’en ayant empêché, il voulut du moins emmener le prince turc Dschem, capital vivant qu’on pourrait peut-être remettre à Ferrante

  1. Ils voulaient aussi s’emparer de fiefs napoHtaîns, et c’est pourquoi innocent appela de nouveau les d’Anjou contre le roi Ferrante, qui n entendait pas se laisser dépouiller. La maniere dont le Pape se vengea de ce prince, et son intervention dans la deuxième insurrection de barons napolitains étaient aussi maladroites que déloyales. Il avait l’habitude de menacer ses ennemis de l’invasion étrangère ; comp. ci-dessus p. 117, note 2.