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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

lui-même à cette destinée, vu la division qui régnait entre ses princes.

Si l’on doit, après tout cela, dire quelque bien de la politique italienne d’alors, il ne peut s’agir que de la manière objective et toute philosophique de traiter ces questions, qui n’étaient pas encore dénaturées par la peur, la passion ou la méchanceté. Il n’y a pas ici de système féodal dans le genre de celui du Nord, avec des droits fondés sur des tbéories respectées ; mais la puissance que chacun possède, il la possède généralement, de fait, tout entière. Il n’y a pas ici de noblesse domestique qui travaille à maintenir dans l’esprit du prince l’idée du point d’honneur abstrait avec toutes ses bizarres conséquences, mais les princes et leurs conseillers sont d’accord pour admettre qu’on ne doit agir que d’après les circonstances et d’après le but à atteindre. Vis-à-vis des hommes qu’on emploie, vis-vis des alliés, de quelque part qu’ils viennent, il n’y a point cet orgueil de caste qui intimide et lient à distance ; surtout l’existence de la classe des condottieri, dans laquelle l’origine est une question parfaitement indifférente, atteste que la puissance est quelque chose de concret, de réel. Enfin les gouvernements représentés par les despotes iustruits dans l’art de régner, connaissent leur propre pays et les pays de leurs voisins infiniment mieux que leurs contemporains du Nord ; ils savent calculer, jusque dans les moindres détails, les ressources de leurs amis et de leurs ennemis au point de vue économique comme au point de vue moral ; ils paraissent être nés statisticiens, bien qu’üs aient commis les plus graves erreurs,


    l’occasion de la prise de Bugia par la flotte de Ferdînand le Cath. Compar. Anecdota litteraria, II, p. 149.