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CHAPITRE VIII. — POLITIQUE EXTÉRIEURE.

de François Ier et de Soliman II n’était rien de nouveau, rien d’extraordinaire dans son genre.

Du reste, il y avait même des populations qui envisageaient sans trop d’effroi la perspective de passer sous la domination turque. En admettant qu’elles n’eussent voulu que menacer des gouvernements tyranniques en se montrant prêtes à se ranger sous l’autorité du sultan, cela n’en prouverait pas moins qu’on s’était à moitié familiarisé avec cette idée. Dès 1480, Baptiste Mantovano donne clairement à entendre que la plupart des habitants de l’Adriatique prévoyaient un changement de cette nature, et que la ville d’Ancône notamment le désirait[1]. À l’époque où la Romagne gémissait sous l’oppression de Léon X, un député de Ravenne dit un jour en face au cardinal légat Jules de Médicis : « Monseigneur, la ville de Venise ne veut pas de nous afin de n’avoir pas de démêlés avec l’Église ; mais quand le Turc viendra à Raguse, nous nous donnerons à lui.[2] ».

En présence de l’asservissement de l’Italie par les Espagnols, asservissement qui avait déjà commencé en ce temps-là, on a la triste, mais réelle consolation de se dire que désormais le pays est du moins garanti contre le danger de devenir barbare sous la domination musulmane[3]. Il lui aurait été difficile de se soustraire par

  1. Bapt. MantüAîVUS, De calamitatihus temporum. à la fin dU S6Cond livre, dans le chant de ia Néréida Doris s’adressant à la flotte turque.
  2. Tommaso Gar., Relnzioni della corte di Borna, ï, p. 55.
  3. Ranke, Histoire des peuples de race latine et de race germanique de 1494-1514 (2e édition, Leipzig, 1874). — L’opinion de Michelet (Réforme, p. 467), d’après laquelle les Turcs se seraient occidentalisés en Italie, ne me convainc pas. — Peut-être cette mission de l’Espagne est-elle indiquée pour la première fois dans le discours solennel que Fedra Inghirami prononça en 1510 devant Jules II, à