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CHAPITRE VIII. — POLITIQUE EXTÉRIEURE.

moins considérables, inquiétaient sans cesse l’Italie et créaient ainsi pour elle les plus grands dangers. Si du moins ritalie seule avait été victime de ce jeu funeste ! Mais la force des choses amena les peuples à rechercher l’intervention et l’appui de l’étranger, particulièrement des Français et des Turcs.

D’abord les populations sont généralement engouées de la France. De tout temps Florence avoue, avec une naïveté qui fait frémir, sa vieille sympathie guelfe pour la France[1]. Et lorsque Charles VIII apparut réellement au sud des Alpes, toute l’Italie l’accueillit avec un enthousiasme que ce prince et ses gens eux-mêmes trouvèrent tout à fait singulier [2]. Dans l’imagination des Italiens (qu’on se rappelle Savonarole) vivait l’irnage idéale d’un sauveur et d’un prince grand, sage et juste ; seulement cet idéal n’était plus, comme chez Dante, l’empereur, mais le roi capétien de France. Avec sa retraite, l’illusion s’évanouit ; pourtant il a fallu dn temps aux Italiens pour reconnaître jusqu’à quel point

  1. Ce qu’il y a peut-être de plus fort dans ce genre se trouve dans des instructions aux anabassadeurs qui vont trouver Charles Vil en 1452 (dans Fabroni, Cosmus, adnot. 407, vol. II, p. 200 ss ), instructions dans lesquelles on recommande aux ambassadeurs florentins de rappeler au Roi les rapports intimes qui, pendant des siècles ont existé entre Florence et la France, et de lui rappeler aussi que Charlemagne avait délivré Florence et l’Italie des Barbares (Lombards), et que Charles Ier avec l’Église romaine, luron fondatori della parte guelfa. Il qual fundamento fu cagione della ruina della contraria parte e introdusse lo stato della felicità in che noi siamo. Lorsque le jeune Laurent fit une visite au duc d’Anjou, qui séjournait momentanément à Florence, il se vêtit à la mode française. (Fabroni, vol. II, p. 9.)
  2. Comines, Charles VIII, chap. X. On regardait les Français « comme saints ». — Comp, ch. xyii, Ckron. Venetum, dans MurIt. XXIV, col. 5, 10, 14, 15. — Matarazzo, Chron. di Perugia, Arch. stor !, XVI, II, p. 23. Nous passons sous silence mille autres propos Compar. surtout les publications authentiques de Piloriserie et Desjardins, plus bas, p. 115, note 1, et l’appendice no 6.