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CHAPITRE VII. — LES RÉPUBLIQUES : VENISE, FLORENCE.

la moindre trace de vanité ou de suffisance ; du reste, il écrit non pas pour le public, mais pour des gouvernements, pour des princes ou pour des amis. Chez lui, le danger de faire fausse route ne vient jamais de ce que son génie est faillible ou de ce qu’il se trompe dans ses déductions, mais de ce qu’il est entraîné par une imagination ardente, qu’il ne gouverne qu’avec peine. Sans doute son objectivité politique est parfois effrayante dans sa sincérité, mais elle est née à une de ces époques de crises dangereuses où les hommes ne croient plus guère au droit et ne peuvent plus supposer la justice. L’indignation vertueuse d’un écrivain contre son temps ne nous émeut pas extraordinairement, nous qui, dans notre siècle, avons vu tant de puissances à l’œuvre. Machiavel était du moins capable de s’oublier lui-même ans l’etude des faits. En général, il est patriote dans le sens le plus rigoureux du mot, bien que ses écrits (sauf des exceptions insignifiantes) ne respirent nullement l’enthousiasme patriotique et que les Florentins aient fini par le considérer comme un criminel[1]. Quelque léger qu’il fût, à l’exemple de la plupart de ses contemporains. dans sa conduite et dans ses discours, le salut de l’État n’en était pas moins sa pensée dominante

Son programme le plus complet sur l’organisation d un système politique à Florence se trouve consigné dans le mémoire qu’il a adressé à Léon X[2] et qu’il avait écrit après la mort de Laurent de Médicis le jeune, duc d’Urbin (mort en 1519), à qui il avait dédié son livre du Prince. Le mal est déjà profond et invétéré, et les moyens qu’il propose pour l’arrêter ne sont pas tou-

  1. Varchi, Stor.forent., p. 2Î0.
  2. Discorso supra il riformar lo stato di Firenze, dans les Opere minori, p. 207