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CHAPITRE VII. — LES RÉPUBLIQUES : VENISE, FLORENCE.

étranger, et l’habitude des interventions étrangères, qui en fut la suite, ont été la cause de tous les malheurs de la République. Mais peut-on s’empêcher d’admirer ce peuple qui s’exalte sous la conduite d’un moine inspiré et qui, le premier en Italie, épargne ses ennemis vaincus, tandis que les exemples du passé ne lui parlent que de vengeance et de destruction ? Sans doute la flamme qui jaillit à cette explosion soudaine de patriotisme, d'enthousiasme religieux et de nobles sentiments, semble s’éteindre bien vite quand on la voit à distance ; mais elle reparaît, féconde et salutaire, lors du siège mémorable de 1529-1530. Sans doute, comme le disait alors Guichardin, c’étaient des « fous » qui appelèrent cet orage sur Florence ; mais il avoue lui-même qu’ils ont fait ce qui était réputé impossible, et, s’il prétend que les sages auraient su éviter la tempête, il donne simplement à entendre que Florence aurait dû se livrer aux mains de ses ennemis sans combattre et sans protester. À ce prix elle aurait sauvé ses magnifiques faubourgs, ses superbes jardins, la vie et la fortune de citoyens sans nombre, mais son histoire serait privée de cette page glorieuse qui atteste sa grandeur morale.

Dans les grandes choses, les Florentins précèdent souvent les Italiens et les Européens en général, et leur servent de modèle ; il en est de même pour bien des erreurs et des défauts. Lorsque Dante comparait Florence remaniant et corrigeant sans cesse sa constitution à un malade qui change de position à chaque instant pour échapper à la souffrance, il mettait le doigt sur l’éternelle plaie de sa patrie. La grande erreur moderne, qui consiste à croire qu’on peut faire une constitution, c’est-à-dire la créer en se basant sur le calcul