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CHAPITRE VII. — LES RÉPUBLIQUES : VENISE, FLORENCE.

il est un des premiers de tous les publicistes ; c’est peut-être le premier laïque qui ait publié de son propre chef des écrits de polémique sous la forme épistolaire. Il débuta de bonne heure dans cette voie ; peu de temps après la mort de Béatrice, il fit paraître un pamphlet sur l’état de Florence ; cet écrit est adressé « aux grands de la terre » ; de même les lettres qu’il publia plus tard pendant son exil ne sont adressées qu’à des empereurs, des princes et des cardinaux. Dans ces lettres et dans le livre « sur la langue vulgaire », on voit reparaître sous différentes formes ce sentiment né de tant de souffrances, qu’en dehors de la ville qui l’a vu naître l’exilé peut trouver une nouvelle patrie intellectuelle par la langue et par la culture, une patrie qu’on ne peut plus lui ravir. Nous reviendrons encore sur ce point.

Nous devons aux deux Villani, Jean et Mathieu, moins des considérations politiques remarquables par la profondeur que des jugements dictés par le bon sens et que les bases de la statistique de Florence, sans compter des indications précieuses sur d’autres États. Ici le commerce et l’industrie avaient fait naître des idées d’économie politique à côté des idées de politique pure. Nulle part on n’était aussi exactement renseigné qu’à Florence sur les situations financières en général, à commencer par la curie pontificale d’Avignon, dont on ne peut admettre l’encaisse énorme (25 millions de florins d’or à la mort de Jean XXII) que sur la foi de ces documents[1]. Ce n’est

    manière dont il concevait l’Empereur en Italie et le Pape, voir la lettre écrite pendant le conclave de Carpentras (1314). — Sur la première lettre, voir : Vita nuova, cap. xxxi, Epist., p. 9.

  1. Giov. Villani, XI, 20. Compar. Matt. Villani, IX, 93, qui raconte que Jean XXII, Astuto in tutte sue cose e massime in fare il danato, a laissé 18 millions de florins en argent comptant et 6 millions en pierres précieuses.